La Turquie à vélo de Göreme à Siverek, c’était…

… me lever à 5h30 pour assister au spectacle fabuleux de dizaine de montgolfières au-dessus de Göreme

… Gérald, rencontré à Göreme, qui achève un raid Paris-Pékin-Istanbul en 4x4 et qui m’a donné pas mal d’infos sur les pays qu’il a traversés

… enfin pédaler à nouveau sur de petites routes peu après Göreme

… un niveau de vie nettement moins élevé que dans l’ouest du pays

… une bande de jeunes écervelés à moto qui s’amusaient à me frôler en me doublant dans un village. Si seulement j’avais pu les rattraper…

… encore je ne sais combien de thés, fruits et légumes offerts au bord de la route. Vraiment, la générosité des Turcs est sans limites !

… un employé de station-essence que je remercie pour son antipathie lorsque je lui ai demandé si je pouvais planter ma tente sur la pelouse attenante, car il m’a contraint à pousser jusqu’à Yazibasi, le prochain village

… Baris et Ismail, rencontrés dans les rues de Yazibasi, à qui j’ai demandé où je pouvais planter ma tente. Ils ont passé un coup de fil à leur tante Perihan qui a spontanément accepté de m’héberger

… Perihan, ancienne députée du parti kémaliste dans les années 1990, qui m’a accueilli comme un pacha et invité à rester le lendemain pour partager le repas de l’Aïd (baïram en turc). Je n’oublierai pas son exceptionnelle hospitalité, digne de celle de Justinia en Roumanie

… assister au sacrifice d’un mouton (ils ont attendu que je me réveille pour le faire), moment qui m’a été insoutenable malgré toute ma bonne volonté. Ils ont même voulu que je l’égorge moi-même, ce que j’ai refusé catégoriquement

… passer ma journée de repos à Yazibasi à manger comme un goinfre, ce qui m’aura sûrement aidé à regagner une bonne partie des 10 kg que j’avais perdus depuis 2 mois et demie

… Ramazan, fils des voisins de Perihan qui vit à Berlin depuis une trentaine d’années, avec qui nous avons passé une après-midi très agréable à discuter

… quitter Yazibasi à regret, des souvenirs pleins la tête

… après 30 km, être invité par Hatice, venue en vacances de Stuttgart, à m’arrêter pour déjeuner chez ses parents

… de magnifiques routes de montagnes sans aucune circulation au milieu de sommets à plus de 3000m entre Tasci et Catalcam, avec mon nouveau point culminant en Turquie à 1990m

… toujours autant de gens qui me saluent depuis leur voiture ou le bord de la route, et qui parfois s’arrêtent à ma hauteur pour me demander d’où je viens et ce que je fais à pédaler à 150 km de la Syrie (j’ai eu droit à pas mal de « you are crazy » et « be careful ») …

… un col à 1565m en tout début de matinée juste après Tufanbeyli, ce qui a eu le mérite de réveiller tous mes muscles engourdis de la veille

… Ali, qui a eu la gentillesse de m’ouvrir la porte de sa maisonnette lorsqu’il m’a vu chercher un abri pendant une grosse averse

… la couture de mon pneu arrière qui a rendu l’âme (j’ai ressenti comme des sautillements en pédalant), ce qui m’a obligé à rouler tout doucement sur 10 km jusqu’à Göksun, où j’ai eu la chance de tomber sur Adil, réparateur de vélos syrien

… le remplacement de mon pneu mort par un pneu bleu « made in China » qui m’inspire peu confiance (je n’avais pas vraiment le choix, Adil n’avait que 2 pneus en rayon), mais qui me permet de poursuivre mon voyage

… des gamins qui sur le bord de la route m’ont venu venir de loin et se sont mis à ramasser des cailloux peu avant que je passe devant eux. Je les ai fixés du regard en leur faisant un signe « non » du doigt, ce qui m’a évité de probables désagréments

… des routes sur lesquelles je me suis senti seul au monde pendant toute une journée entre Elbistan et Gölbasi, sachant que je n’ai traversé qu’une petite ville et deux villages, rien de plus, sur 100 km

… trois gars qui ont roulé à ma hauteur sur 2 km juste avant d’arriver à Gölbasi en me disant « France, oh Sarkozy » (je l’ai pas bien pris du tout…) et qui m’ont tendu une bière par la fenêtre, que j’ai refusée parce qu’il m’aurait d’abord fallu manger quelque chose

… Fikri, qui m’a invité à prendre un thé en terrasse à mon arrivée à Gölbasi et qui a négocié au téléphone avec le réceptionniste du seul hôtel de la ville une remise de plus de 50% sur le prix de ma nuit (10€ au final) car il me fallait absolument prendre une douche

… Ferit, accompagné de son frère et de son cousin, rencontré à la terrasse d’un café de Gölbasi alors qu’il arrive tout juste de Suisse pour un mois de vacances en famille, et qui avait des expressions typiquement alémaniques très drôles genre « tip top » « ah, scho »

… un moment d’euphorie lorsque j’ai vu s’afficher « distance totale 5000 km » sur mon compteur

… traverser des villages aux mosquées flambant neuves mais à la plupart des habitations délabrées entre Gölbasi et Adiyaman

… Hakka et Mahmut, qui ont fit demi-tour sur la voie rapide à l’entrée d’Adiyaman pour m’arrêter et me demander en allemand (ils ont tous deux étudié à Vienne) « Mais qu’est-ce que tu fous là ??? », avant de m’inviter au resto puis de passer l’après-midi et la soirée avec eux. Ils m’ont pêle-mêle appris quelques rudiments de kurde, décrit à quel point le visage de leur ville a changé en bien depuis 10-15 ans, dit qu’ils craignent une guerre civile dans les années à venir en Turquie et également avoué qu’ils avaient du mal à rencontrer des filles

… Mahmut, trilingue kurde-turc-allemand, qui m’a invité à passer la nuit chez lui et à rester le lendemain, avec qui nous avons beaucoup rigolé

… une journée de pause à Adiyaman à ne faire que boire des thés avec tous les amis de Mahmut, passant de maison en maison et de café en café, en devant assumer un peu à contrecœur d’être à chaque fois au centre de l’attention (ce que je comprends cependant)

… les portraits de combattants recherchés du PKK affichés à l’entrée de l’hôpital d’Adiyaman, et que Mahmut m’a déconseillé de prendre en photo pour ne pas m’attirer d’ennuis

… deux amis de Mahmut qui ont mal pris que je paye l’addition au restaurant le soir, et qui en contrepartie ont tout de suite tenu à m’inviter chez le glacier

… Emrah, étudiant de français à l’université d’Adana, dont la chanteuse française préférée est… Lara Fabian !

… un gars dans une station-essence qui m’a dit « my name is teacher » (!?!)

… un convoi funéraire impressionnant, composé d’au moins 50 voitures, qui m’a doublé à la sortie de Kahta

… une après-midi de montée à souffrir dans les passages très raides (largement les plus difficiles depuis le début de mon périple) de la route qui mène au pied du mont Nemrut

… être accueilli au sommet de la route qui mène au pied du mont Nemrut (2110 m, nouveau point culminant de mon voyage) par les applaudissements d’une dizaine de personnes, ce qui m’a redonné le sourire

… m’entendre dire par un guide que depuis 2 ans qu’il travaille là, je suis le premier cyclotouriste qu’il voit

… assister au coucher du soleil depuis la terrasse occidentale, un moment qui restera inoubliable

… Bekir et Osman, les gardiens du mont Nemrut, qui ont passé leur temps à me dire que l’autre est homosexuel, et qui m’ont invité à dormir dans leur mobil-home pour m’éviter d’avoir à planter ma tente en raison des températures largement négatives la nuit

… assister au lever du soleil depuis la terrasse orientale à 6h du matin, un moment qui restera encore plus inoubliable car j’avais le mont Nemrut pour moi seul !

… prendre mon petit-déjeuner tranquillement dans la cafétéria au pied du mont Nemrut et voir débarquer 3 policiers équipés de kalachnikov et de gilets pare-balles venus prendre le thé

… redescendre en 30 minutes ce que j’ai mis 3 heures à monter la veille

… franchir l’Euphrate et me sentir d’un coup véritablement au Moyen-Orient